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Pour un esprit collectif français

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Pour un esprit collectif français.

 

Je me suis rendu, ce week-end, aux rencontres d’Aix-en-Provence, organisées par le  « Cercle des Economistes », qui rassemblent les meilleurs experts français, les représentants des grandes entreprises et de certaines ETI et PME, avec des invités européens. Le thème central, cette année, était le temps – ou plutôt les temps, celui de l’économie et celui du politique, le court et le long terme. J’avais pour ma part à intervenir sur un sujet majeur et qui m’est cher, l’Europe.

Ma participation a été l’occasion d’un incident relayé par les médias, que je crois révélateur et sur lequel je veux revenir. J’ai voulu, dans mon propos, insister sur la tension entre les temps. Le politique doit réconcilier le temps court – celui des urgences auxquelles nous devons faire face, à commencer par le chômage – le temps du moyen terme – celui des réformes – et le temps long – celui de la vision dans laquelle elles s’inscrivent, celui aussi du moment où elles produisent leurs effets. Le politique, à tous les temps, doit jouer son rôle. Il doit agir vite, face à l’urgence : en France, le combat pour l’emploi est notre priorité absolue. Il doit développer une stratégie et mettre en œuvre des réformes structurelles : réforme du marché du travail, soutien à la compétitivité, modernisation de l’action publique… Enfin, il a le devoir de réduire les déficits et l’endettement, aujourd’hui excessifs et pénalisants pour l’économie. Je n’oublie pas, au passage, son rôle pédagogique. Cela vaut pour la France, mais aussi pour l’Europe. Celle-ci, dans la période récente, a su mettre en place les instruments nécessaires pour faire face aux crises « locales », dont la contagion menaçait l’intégrité de la zone euro : sa stabilité est aujourd’hui consolidée, même si elle est pour les ministres des Finances un combat quotidien, auquel je prends toute ma part.

J’ai répété mon souhait que soit mis en place un budget spécifique de la zone euro, susceptible de jouer un rôle contra-cyclique, et notamment de porter un socle minimal d’assurance chômage.

Au-delà du court terme, l’Europe doit aussi engager des réformes en profondeur. Celles-ci concernent ses politiques. J’ai répété mon souhait que soit mis en place un budget spécifique de la zone euro, susceptible de jouer un rôle contra-cyclique, et notamment de porter un socle minimal d’assurance chômage. J’ai rappelé l’importance de l’Union bancaire, que nous construisons pierre à pierre, et qui permettra de mettre fin à la fragmentation financière, de voir les effets de la politique monétaire se transmettre aux PME sous forme de taux d’intérêt bas. Ces réformes doivent toucher également la gouvernance de la zone euro. Comme le Président de la République, François Hollande, je crois nécessaire de fortement améliorer celle-ci. Cela passe, à mes yeux, par la création d’un Président permanent et exclusif de l’Eurogroupe – que j’appelle pour ma part, pour faire simple, ministre de l’Economie et des Finances de la zone euro, et que je verrais bien cumuler ses fonctions avec celles de Commissaire européen chargé de ces questions. Je crois aussi plus que souhaitable la création, au sein d’un Parlement européen sans cesse renforcé, d’une Chambre – d’un Comité, d’une Commission – en charge de la zone euro – ce qui n’exclut en rien le rôle des Parlements nationaux.

Ces propos, me semble t’il, à défaut d’être forcément consensuels, constituaient une contribution positive et utile au débat. Mais celui-ci se déroulait dans un climat lourd, marqué par la défiance certaine d’une partie de la salle, non seulement à l’égard du gouvernement mais du politique lui-même. Je l’ai senti en particulier lors de l’intervention du Président de Saint-Gobain, Pierre-André de Chalendar, que je connais bien et que j’estime, qui a pourtant cru bon, alors que je l’écoutais au premier rang, de dire qu’en un an la France était passée du déni au zig-zag, sous des applaudissements assez agressifs. Mon devoir de membre du gouvernement, en charge de la politique économique du pays, était de répondre – je ne pouvais laisser passer ce propos sans commentaire, c’eût été une preuve de faiblesse incompréhensible. Je l’ai fait avec courtoisie, en rappelant que le gouvernement avait un agenda de réformes ambitieux, une trajectoire de finances publiques courageuse, et en appelant ce public que je respecte à accepter la difficulté, la nécessité et la noblesse de la politique. Quelle ne fut pas ma surprise – ou plutôt ma déception, car j’avais anticipé la tournure des événements – de voir une partie de la salle – ce n’était pas la majorité, mais une minorité significative et bruyante – gronder avec force. J’ai remis les choses au point avec calme, sans surestimer l’incident, et j’ai finalement emporté plus d’applaudissements qu’il n’y avait eu de réactions hostiles. L’incident est clos, il ne mérite pas plus grand récit, mais une analyse.

C’est la tâche du politique, des responsables démocratiquement élus et dotés de la légitimité par le suffrage universel, de conduire la politique de la Nation, de diriger le pays.

En vérité, c’est d’une forme particulière de « french bashing » dont il s’agissait. Il y a en France, c’est vrai, une souffrance sociale qu’il nous appartient de traiter, dont le chômage est la première cause, une angoisse à laquelle il faut répondre, une crainte du déclassement que nous devons combattre pied à pied. C’est la tâche du politique, des responsables démocratiquement élus et dotés de la légitimité par le suffrage universel, de conduire la politique de la Nation, de diriger le pays. La démocratie, comme je l’ai rappelé à Aix, suppose par essence l’acceptation de la critique, voire de la contradiction, l’expression du pluralisme. Elle connaît les alternances, elle est soumise au jugement de l’opinion. Je sais à quelle famille politique j’appartiens : je suis socialiste. La politique que nous menons n’est pas neutre ou fade : c’est une politique de gauche, qui s’assume comme telle. Bien sûr, j’éprouve de la fierté à être aujourd’hui membre du gouvernement, je crois à ce que je fais, je cherche à convaincre, je voudrais être suivi par le plus grand nombre : mais je ne suis pas assez mégalomane – je crois même l’être assez peu – pour imaginer faire l’unanimité. En revanche, j’ai la conviction que la fonction que j’exerce, l’action que je mène, et pourquoi pas ma personne, méritent le respect, surtout dans une instance de débat, où l’écoute devrait être la règle.

Oui, je le redis, le politique, la politique, ont leur noblesse. Et oui, ils sont au service du pays

Oui, je le redis, le politique, la politique, ont leur noblesse. Et oui, ils sont au service du pays. Qu’un tel propos puisse provoquer des réactions hostiles dans un tel cénacle, en principe voué au dialogue, est plus préoccupant encore que choquant. Depuis un an, j’ai fait le tour de France pour défendre notre politique économique. J’ai parfois senti des réticences, des désaccords, et pourtant aucun comportement de cette nature, y compris dans des milieux plus difficiles socialement et politiquement, n’a perturbé une de mes réunions ou un de mes déplacements. C’est ce qui rend aussi baroque, aussi incompréhensible, cette grossièreté, cette manifestation hostile de certains privilégiés. J’ai donc souhaité faire une mise au point complémentaire, d’abord sur le fond. Quelle injustice, en effet, de décrire notre politique, nos réformes comme un zig-zag ! Nous avons hérité d’une situation extrêmement difficile, laissée par une droite puissamment inefficace et néanmoins peu critiquée par mes contradicteurs d’Aix. Et nous faisons ce qui est nécessaire pour rendre notre pays plus fort. Le CICE est la mesure pro-compétivité la plus consistante jamais mise en place dans notre pays, dont l’effet sur le coût du travail se fait déjà sentir. Nous avons réussi, dans le dialogue – qui apparait à certains comme une perte de temps mais en réalité en fait beaucoup gagner ! – la réforme du marché du travail la plus importante depuis 40 ans. Nous réduisons les déficits, et continuerons à le faire en insistant sur les économies, en recherchant la stabilité fiscale, notamment pour les entreprises. Nous modernisons et simplifions l’action publique. Pour ma part, je l’ai dit et redit, j’ai la conviction que la France ne repartira que si les entreprises investissent et embauchent à nouveau, et mon action vise, au premier chef, à leur rendre confiance.

La stratégie suivie par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, sous l’impulsion de François Hollande, est claire, et menée avec constance et fermeté.

Bien sûr, je comprends que celle-ci soit critiquée, ici ou là, ici et là. Certains voudraient que nous allions plus loin, d’autres que nous en fassions moins. Il y a là matière à débat, à question – il n’est d’ailleurs pas de jour, dans cette période de crise majeure, qui appelle constamment vigilance et rapidité d’action, qui proscrit les certitudes excessives, sans que je m’interroge moi-même sur telle ou telle décision, quitte parfois à l’adapter. Mais la stratégie suivie par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, sous l’impulsion de François Hollande, est claire, et menée avec constance et fermeté. C’est une politique de gauche, mais pas archaïque. C’est une politique sérieuse, mais qui refuse l’austérité. C’est une politique de réduction des injustices, des inégalités, mais qui met l’accent sur la production. Bref, c’est une politique de redressement, menée au nom de l’intérêt général, pour le bien du pays. Encore une fois, je comprends les réticences, j’entends les impatiences, les insatisfactions – il m’arrive d’en ressentir. Mais n’entrons pas dans un climat de défiance radicalisée, de divisions exclusives de tout dialogue, de crispations dépourvues de la moindre objectivité, le tout sur fond de pessimisme noir, inconscient de la réalité française – qui est tout sauf dégradante. La France a perdu du terrain en 10 ans, c’est vrai, et nous travaillons à le rattraper. Mais elle reste la 5ème économie du monde, une Nation écoutée, un pays magnifique et plein de ressources, à commencer par les hommes et les femmes qui la peuplent.

Plutôt qu’à ces manifestations délétères et un peu dérisoires, presque indécentes dans leurs excès, j’en appelle à ce qui nous manque le plus : un esprit collectif français.

C’est pourquoi, plutôt qu’à ces manifestations délétères et un peu dérisoires, presque indécentes dans leurs excès, j’en appelle à ce qui nous manque le plus : un esprit collectif français. Opposons nous dans le champ de la démocratie, quand nos convictions nous y entrainent. Gardons nos opinions, chérissons notre diversité. Menons des débats sans fadeur, sans tiédeur. Mais respectons-nous – respectons les rôles, les contraintes, les rythmes de chacun. Tournons le dos au dénigrement, à l’auto-flagellation, à l’intolérance, qui nourrissent le populisme. Tirons plutôt dans le même sens, prenons appui sur ce qui fonctionne, soutenons ensemble les réformes qui vont dans le bon sens, améliorons ce qui doit l’être. C’est ainsi que nous ferons réussir la France. C’est une responsabilité collective, qui doit l’emporter sur les passions négatives. Les Nations qui s’en sortent sont celles qui savent se fixer des perspectives communes – pensons au rassemblement des Allemands autour de leur industrie. Pour ma part, c’est le seul objectif que je poursuis. Et rien ne m’en détournera.

 

 


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